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La drogue, c’est de la merde

5 novembre 2010 - 14:48

Aujourd’hui, on va parler livres de droguées.

J'ai de saines lectures

A ma gauche : « Moi, Christiane F., treize ans, droguée, prostituée », en V.O.: « Wir Kinder vom Bahnhof Zoo ».

A ma droite : « L’herbe bleue », en V.O. : « Go ask Alice ».

A ma gauche, nous sommes au alentours de 1975, à Berlin, Christiane a 13 ans, vit mal dans la Cité Gropius et ne s’intéresse plus à l’école. En deux ans, elle passera du joint au cachetons à l’héroïne, du sniff aux piquouses quotidiennes, qui la conduiront, elle et son petit ami, à se prostituer régulièrement au « Baby Tapin ».

A ma droite, nous sommes probablement à la fin des années 60 ou au tout début des années 70 quelque part aux Etats-Unis, l’héroïne n’a pas loin de 16 ans lors de son premier trip involontaire au LSD et passe en moins de quatre mois aux cachetons, puis à l’herbe, puis aux drogues dures avant de fuguer de chez ses parents.

D’entrée de jeu, on n’est pas dans le même genre de livre. Dans « Moi, Christiane F.,… » on trouve une description quasi-documentaire du milieu de la drogue berlinois (« la Scène ») dans les années 70 : La cité Gropius, la maison du milieu (centre pour le jeunesse de la cité), puis « le Sound », la plus grande boîte d’Europe où la drogue circule librement, et la fameuse gare de métro Bahnhof Zoo, le Kurfürstendamm, où Christiane et ses copines finissent par se prostituer, Narconon, le centre de scientologie qui propose des cures de désintox, les hôpitaux…

« L’herbe bleue » est le journal intime d’une jeune fille anonyme, on y trouve des descriptions très précises de ses trips, mais le contexte est totalement absent, les lieux sont à peine mentionnés et jamais décrits (San Francisco et Berkeley, puis l’Oregon). Les passages les plus durs (viols, squats, prostitution) ne sont pas détaillés.

« Moi Christiane F… «  est le témoignage d’une jeune fille de dix-sept ou dix-huit ans rapportée par deux journalistes, Kai Hermann et Horst Rieck. , qui enquêtaient sur les jeunes drogués à Berlin dans les années 70. Le réçit est entre-coupé du de déclarations de témoins proches, notamment la mère de Christiane. Le livre est souvent cité pour la clairvoyance de la jeune fille dans ses critiques (la cité Gropius, le système scolaire) et j’ai assez souvent rencontré des extraits du bouquin dans mes cours d’allemand. Je me pose tout de même la question de l’authenticité de ces critiques, ainsi que sur la morale issue des propos de sa mère (culpabilisée d’avoir laissé ses enfants pour travailler, elle regrette de n’être pas restée mère au foyer). Je ne peux pas m’empêcher de chercher où Christiane s’exprime réellement et où les journalistes prennent le dessus dans sur ses propos.

« L’herbe bleue » est plus ou moins attribuée à Beatrice Sparks, psychologue américaine qui travaille avec des adolescents. Elle depuis publié d’autres journaux « anonymes » sur les problème de la jeunesse. Il s’agirait du journal d’une de ces patientes qui serait décédée, mais personne n’a jamais confirmé . J’ai plutôt tendance à croire, comme beaucoup de gens, qu’il s’agit d’une compilation d’histoires qui lui ont été rapportées par ses patients, ce qui explique le côté très descriptif des sensations et l’absence de contexte, ainsi qu’à mon avis, le manque de caractérisation des personnages.

Au final, on est en face de deux livres à la même morale (la drogue c’est mal, après t’as plein d’emmerdes) (j’ai jamais dit le contraire), mais ma préférence va clairement « Moi Christiane F….“: le réalisme restant, à mon sens, plus convaincant, que la narration elliptique de  « L’herbe bleue ».

Des liens qui vont bien :

Un skyblog (?) très complet sur Christiane

(c’est tout en fait)

( pour info, Christiane serait retombée dans la drogue il y a quelques années, après avoir donné naissance à un fils. On ne sait pas trop à l’heure actuelle si elle encore en vie).

De la musique qui va bien :

La chanson d’où est extraite la phrase “Go ask Alice” (Lewis Caroll devait prendre du LSD)

La version de “Heroes” de Bowie en allemand (extraite de la BO du film “Moi Christiane F.”, d’où les images proviennent également les images)

La prochaine fois, j’aurai peut-être enfin vu “Smithereens” (ca fait quand même deux mois que j’ai reçu le DVD) et je me serai acheté une mini-jupe pied de poule pour faire comme Wren. Ou alors je vous parlerai du paradoxe du “Lauréat”, ou comment un mauvais livre peut devenir un film marquant sur sa génération, et ce, malgré une utilisation pas très bonne de sa musique (Mrs Robinson, je parle toi).

Ou peut-être pas, d’ailleurs.