Les deux personnages principaux, tout le monde le sait, vont finir ensemble. C’est même pour ça qu’on voit voir le film. Alors dès le début, il font les mêmes choses, mais pas ensemble.
Un exemple ? Dans « Quand Harry rencontre Sally », la première séquence débute par un baiser torride donné par Harry à sa partenaire du moment, que Sally essaye d’interrompre. A leur deuxième rencontre, la situation est inversée : le plan démarre sur Sally embrassant son fiancé du moment qu’Harry essaye comme il peut d’interrompre.
Dans « Nuits blanches à Seattle », entre autres exemples, Annie (Meg Ryan), sort par une porte à Baltimore, et dans le plan suivant, c’est Sam qui entre par la même porte à Seattle.
Dans “Vous avez un mess@ge“, le film s’ouvre sur deux séquences mettant en scène l’une Kathleen, l’autre Joe, le matin, attendant avec impatience que leurs conjoints respectifs quitte le domicile pour pouvoir consulter leurs emails et se répondre. Dans la séquence qui suit, on les voit tous les deux en train d’aller au bureau, dans la même rue, l’un devant l’autre, puis l’un sortant d’un café tandis que l’autre y rentre, sans jamais se croiser. Ils ont donc les mêmes habitudes, dans le même quartier, mais ne peuvent pas encore se rencontrer, ce serait trop simple.
Ce principe est encore renforcé par des effets de split-screen dans « Quand Harry rencontre Sally », ou par l’écho de ces deux conversations qui s’enchaînent, l’une à Baltimore et l’autre à Seattle dans “Nuits blanches à Seattle“. On se croirait dans Ionesco.
(Harry et Sally viennent de finalement coucher ensemble, et visiblement, ils ne le vivent pas très bien.) (A partir de 6:43)
(Sam s’est décidé à sortir avec une femme, ce qui n’est pas du goût de son fils.) ( a partir de 5:46)
Bref, dans les comédies romantiques, il n’y a pas de hasards, il n’y a que des fatalités.
Nous avons donc vu qu’une bonne comédie romantique vise à rassembler deux personnages que tout oppose.
A priori, ça prend du temps. C’est que ça ne se passe pas en une semaine cette affaire-là, il vaut mieux compter en mois, voire en années. Par conséquent, les changements de saisons se voient à l’écran, autrement dit c’est le printemps, l’été, l’automne (surtout l’automne et les arbres rouges) et l’hiver, surtout cette période qui débute pour les américains à Halloween et se termine à Noël, voire à la St Valentin.
« Nuits blanches à Seattle », une fois le prologue passé, se déroule très exactement entre la nuit de Noël et la St Valentin.
Dans « Vous avez un mess@ge », le personnage de Meg Ryan décore sa boutique, achète des potirons pour Halloween, puis met en place ses guirlandes de Noël et décore son arbre.
Dans « Harry rencontre Sally », il y a également une scène ou Harry et Sally achètent ensemble un sapin, et l’année d’après, Sally en achète un autre seule, tristement. Mais pour eux, le moment le plus important, c’est le 1er janvier. C’est ce soir-là, peut-être parce que c’est plus une fête « d’amis » (oui vous faites quoi vous pour le 1er janvier ? Vous allez vraisemblablement le passer avec vos amis mais vous ne savez pas encore comment, comme tout le monde) que de « Famille » qu’ils arrivent à prendre conscience de l’évolution de leurs sentiments l’un pour l’autre.
Enfin, les anniversaires sont également une occasion de se retrouver tous dans la meilleure « famille » possible, à savoir entre amis. Moments de convivialité, c’est l’occasion de partager ses sentiments et de les exprimer devant tout le monde.
, dans les films de Nora Ephron, toutes les occasions de sortir des rubans, des décorations, des guirlandes qui scintillent sont bonnes à être filmée. Et quand on a passé la période des fêtes, il reste toujours les fleurs qui font d’agréables premiers plans.
On est d’accord, une comédie romantique réunit deux personnes que tout oppose. Pourtant, il faut bien que ces deux-là, à un moment ou à un autre, se trouvent.
Dans l’ordre chronologique des films écrits et/ou réalisés par Nora Ephron, les personnages se rencontrent de la manière suivante :
Harry et Sally se rencontrent en quittant le « college » pour aller s’installer en ville. Ils covoiturent donc de leur ancienne ville jusqu’à New-York. C’est le hasard qui se chargera de les réunir à intervalles plus ou moins réguliers, jusqu’à ce qu’ils s’entendent suffisament bien pour convenir eux-mêmes de leurs prochains rendez-vous.
Dans « Nuits blanches à Seattle », Jonah, le fils de Sam, téléphone depuis Seattle à une radio basée à Chicago pour passer dans une émission nocturne de confessions. C’est comme ça qu’Annie, à Baltimore, l’entend et commence à être troublée. Elle utilisera conjointement son statut de journaliste et les prémisses d’internet pour retrouver sa trace, puis enverra une lettre ( et engagera un détective privé avant d’aller espionner elle-même, elle n’est tout de même pas totalement équilibrée).
Dans « Vous avez un mess@ge », nous sommes en 1998 et le titre en lui-même porte la marque du type de rencontre qui s’effectue entre Kathleen et Joe. Ce sont les débuts d’internet à domicile, à cette période-là la plupart des gens savent à peine ce qu’est un email et encore moins une chat room. C’est là que se rencontrent Kathleen et Joe, avant de poursuivre une relation par email. A l’époque les deux héros correspondent encore avec de vrais emails, aujourd’hui ça donnerait ça :
Dans « Julie et Julia », Julie décide de créer un blog qui lui apportera la célébrité et lui permettra de redonner un sens à sa vie.
Au vu de ses constatations, il me semble évident que la prochaine comédie romantique qu’il va être temps d’écrire devra utiliser les avancées du 2.0. Je n’ai encore jamais vu aucun film dans lequel Facebook joue un rôle significatif (Vous imaginez le statut du personnage principal ? situation : it’s complicated), mais tant qu’à faire, je préférerai que les deux héros se rencontrent sur Twitter.
Une romance en moins de 140 caractères, je pense que ça peut faire rêver.
Comme je ne suis pas sûre que vous ayez vu tous les films dont nous allons parler, on va peut-être recommencer par récapituler :
Nora Ephron a écrit le scénario de « Quand Harry rencontre Sally », mais ne l’a pas réalisé.
Harry (Billy Crystal) et Sally (Meg Ryan), se rencontrent, se détestent, puis se recroisent des années plus tard, et se détestent toujours, et puis se rencontrent encore et deviennent amis, et puis finissent par coucher ensemble et se détestent, et finalement acceptent le fait qu’ils sont fait l’un pour l’autre.
Vous avez tous, forcément, déjà vu ceci :
Lancée par le succès de « Quand Harry rencontrent Sally », Nora Ephron réalise « Nuits blanches à Seattle », film dont elle a reçu le scénario et ré-écrit une partie ( notamment le personnage de Tom Hanks et de son fils ) ( je le sais parce que j’avais les commentaires du réalisateur sur mon DVD, DVD perdu par ma colocataire) (ou pourquoi je ne suis plus en colocation).
Sam (Tom Hanks), est veuf, ne s’en remet pas et habite avec son fils Jonah à Seattle. Annie (Meg Ryan) habite à Baltimore et annonce son mariage à sa famille en fanfare le soir de Noël. Ce même soir, Jonah téléphone à une émission de radio, pour raconter combien son père semble ne pas se remettre de la mort de sa mère. Jonah puis Sam viennent parler à l’antenne, Annie les entends et est bouleversée. Elle leur écrit une lettre, Jonah est persuadé qu’elle est la femme qu’il faut pour son père et s’arrangera pour les faire se rencontrer.
Ok, le trailer est mauvais, mais honnêtement, de tous les films dont je vous parle dans cette saga, c’est mon préféré.
« Nuits blanches à Seattle » est succès, Meg Ryan et Tom Hanks ont resigné, on est reparti pour un tour.
Basé sur un vieux films des années 40, « Vous avez un mess@ge” met face à face Kathleen, tout de twin sets et de robes 3 trous vêtue, propriétaire d’une boutique de livres pour enfants héritée de sa mère, et Joe, le fils d’une dynastie mâle possédant l’équivalent new-yorkais de la Fnac. Ils entretiennent depuis un certain temps une correspondance anonyme via email, mais lorsque que Joe vient construire un de ses magasins à côté de chez Kathleen, ils en viennent à se détester mutuellement le jour tandis qu’ils continuent d’échanger anonymement sur leurs états d’âmes le soir. Tous ces bouleversements amèneront les deux protagonistes à faire des choix dans la vie avant de pouvoir se réunir.
C’est beau, mais ça ne m’a pas donné envie de pleurer plus que ça.
Meg Ryan commence à avoir des lèvres statiques, le placement des marques devient un peu trop évident, et la BO a renoncé à Harry Connick Junior.
Le prochain film de Nora étant frappé du sceau de l’infâmie nous passerons donc directement à son dernier film en date, “Julie et Julia“. Ce n’est pas vraiment une comédie romantique, mais par certains de ses aspects, on retrouve la patte de Nora Ephron, alors oui, pourquoi pas :
1947 : Julia Child (Meryl Streep) vient de s’installer à Paris avec son mari diplomate. Pour tromper le temps et parce qu’elle aime bien manger, elle se lance de la cuisine française, prends des cours, triomphe des vilains français, et se retrouve à rédiger LE livre référence des cuisinières américaines qu’elle réussira à faire publier dans les années 60 après bien des déboires.
2002 : Julie habite New-York, fait un boulot pas marrant et décide pour prendre sa vie en main, de réaliser les 524 recettes du livre de Julia en une année.
En montage croisé, le film suit le parcours des deux femmes, en montrant comment la cuisine française les a toutes les deux sauvées.
Mouais. Ma mère ne fait pas cuire le boeuf bourguignon au four, et comme elle a la meilleure recette du monde, ce film ne peut que me laisser dubitative.
Bien, maintenant que vous êtes en possession de tous ces éléments, nous entrerons dans le vif du sujet la prochaine fois, si vous le voulez bien.
Puisqu’il semblerait que sur ce blog, je parle des choses que j’ai vues et que j’aime bien, alors à un moment il faudra bien que je vous parle de Nora Ephron.
Et tant qu’à vous parler d’elle, alors autant que se soit maintenant, en cette période de pré-Noël, parce que si je devais jouer au portrait chinois, ce serait la période de l’année que je choisirai pour la décrire.
Pour l’anecdote, Nora Ephron est l’ancienne femme de Carl Bernstein, un des deux journalistes qui ont fait tomber Nixon pendant le Watergate. Et à ce titre, elle a toujours été au courant de l’identité de Gorge Profonde, l’indic qui a balancé les infos au duo de journalistes. (rien à voir avec le porno, donc.)
Carl Bernstein ici interprété par Dustin Hoffman
Je ne sais pas vous, mais j’ai toujours trouvé ces histoires d’espionnage et de pouvoir fascinantes.
En dehors de ça, Nora Ephron est la scénariste et / ou réalisatrice des meilleures comédies romantiques des années 90 (j’ai nommé « Nuits blanches à Seattle » et « Quand Harry rencontre Sally »). Suite à quoi, elle a décliné un peu (« Vous avez un mess@ge»), connu un passage à vide (« Ma sorcière bien-aimée » ou un film bien placé dans le top 10 des pires films que j’ai vu au cinéma) pour peut-être, éventuellement, se reprendre un peu ( « Julie et Julia », je n’ai pas encore statué).
En regardant et re-regardant ces films (enfin surtout « Quand Harry Rencontre Sally » et « Nuits blanches à Seattle », ok), on voit très vite apparaître les ingrédients qui composent la recette d’une comédie réussie selon Nora. Et comme la période est décidément favorable à la consommation de bonbons légèrement trop sucrés, nous allons dans les jours qui viennent, examiner tout ça.