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L’auberge de la Jamaïque, Daphné du Maurier et la modernité.

26 avril 2011 - 12:15

Quand mon propriétaire a vu sur ma table basse les deux livres de Daphné du Maurier que j’avais ramené de la braderie du Secours Populaire, il a dit « Ah oui, Daphné du Maurier, effectivement, c’est un peu désuet ».

C’est vrai que passant beaucoup de temps de vide-grenier en marché aux Puces, je commence à avoir une belle collection de bouquin d’apparence vieillote et de plus de cinquante d’âge.

J’ai lu depuis « L’auberge de la Jamaïque », un peu parce que j’avais un bon souvenir de « Rébecca », du même auteur, et un peu aussi grâce à Océane qui m’a remis cette auteur en tête, avec son challenge Daphné du Maurier (auquel j’aurai peut-être soumis cet article si je m’y étais prise plus tôt).

Alors, j’en pense quoi, de ce livre ?

« L’auberge de la Jamaïque » est un sacré bon bouquin.

Mary Yellan, une petite paysanne arrachée à sa verte campagne suite au décès de sa mère, se retrouve chez sa vieille tante et son oncle dans une auberge solitaire en Cornouailles. L’action pourrait facilement se passer dans le Mordor, tant la description des marais et des rochers qui l’entourent, de la brume persistante des mois d’hiver, place l’action dans un univers étrange et hostile.

Mary comprend vite qu’il se passe des choses pas très catholiques dans cette auberge, que son oncle qui terrorise sa tante cache forcément d’horribles secrets. Je n’en dis pas plus, même s’il n’est pas bien compliqué de deviner ce qui se trame (j’ai dit que l’action se passait au XIXème siècle ?).

Le fait est que Daphné du Maurier a une plume époustouflante, et qu’il y avait longtemps qu’un roman ne m’avait pas absorbé à ce point.

Quand à la modernité de l’oeuvre, j’aimerai vous citer quelques phrases du roman :

« Elle connut une fois de plus l’humiliation d’être une femme quand, brisée moralement et physiquement, son état fut admis comme une chose naturelle.

Si Mary était un homme, on la traiterait avec rudesse, tout au moins avec indifférence ; […] lorsqu’on en aurait terminé avec elle, s’embarquerait sur quelques paquebots et travaillerait pour payer son passage; ou bien elle prendrait la route, avec quelques sous en poche, le coeur et l’esprit libres.

Mais elle était là, les larmes prêtes à couler, ayant la migraine; on l’éloignait en hâte du lieu du crime avec des paroles et des gestes apaisants; elle n’était qu’un élément d’encombrement et de retard, comme toutes les femmes et tous les enfants après une tragédie. »

Si de tels propos semblent anachroniques et déplacés dans la tête d’une paysanne du XIXème siècle, qui d’ailleurs n’a pas fréquenté l’école bien longtemps, sous la plume d’une Daphné du Maurier, membre de la bonne société britannique, ils me semblent très moderne pour l’époque (le roman a été publié dans les années 1930).

Et si j’en crois certaines choses que je lis ici ou là, c’est toujours d’actualité.

Des liens qui vont bien :

Commentaires

splintermuse

26 avril 2011 12:15

Rebecca, souvenirs d’ado, j’avais adoré, mais bizarrement je n’ai rien lu d’autre de cet auteur.

fx

26 avril 2011 12:15

Ah, oui, je l’avais lu aussi, trouvé à l’époque dans la bibliothèque de mon grand père. Désuet, dis-tu ? Il m’a laissé le souvenir d’une agréable lecture, mais je ne me rappelle pas l’intrigue.

Jungle Julia

26 avril 2011 12:15

Oh non pas du tout, intemporel dans son intrigue, et complètement d’actualité d’un point de vue féministe. J’ai encore entendu parler du rejet de la victimisation systématique de la femme dans le cadre de l’avortement il y a quelques jours.
Plus généralement, il y a également cette idée dans King Kong Theory de Virginie Despentes, qui elle-même cite Camille Paglia (je ne l’ai pas mis dans l’article car je ne suis pas vraiment spécialiste, et j’ai pas le temps de chercher plus).

Par ailleurs dans tout le roman, Du Maurier a vraiment des réflexions intéressantes sur le rôle de la femme d’une part dans la société et aussi sur les héroïnes de roman… ce qui n’est pas étonnant quand on jette un coup d’oeil à sa page wikipedia et à son trouble face à la notion de genre.

Très très moderne tout ça !

Jungle Julia

26 avril 2011 12:15

J’avais jamais rien lu d’autre non plus. C’est vraiment Océane qui m’a remis cet auteur en tête.

Océane

27 avril 2011 12:15

Je suis carrément tentée d’en faire une saison 2, d’ailleurs c’est faitn saison 2 et je mets ton billet dans les premiers participants (et puis je suis d’une telle lenteur à réagir moi des fois…) Et puis j’en ai encore plein à lire de la dame alors…
Merci pour ce clin d’œil :)

Jungle Julia

27 avril 2011 12:15

BOn, ça va me motiver pour lire “Mad” que j’ai acheté en même temps. J’ai lu quelques pages et puis j’ai décroché rapidement…

Merci pour ta visite !

Zadig

13 mai 2011 12:15

Je découvre ton blog et tombe sur un article parlant de Daphné du Maurier, coïncidence… Je viens de terminer Ma cousine Rachel, et j’avais adoré Rebecca… L’auberge de la Jamaïque ne va pas tarder à être sur ma pile de livres lus et aimés, je le sens… Et je suis d’accord avec toi, il y a beaucoup de modernité chez cet auteur.

Jungle Julia

13 mai 2011 12:15

Ah et bien moi j’ai lu les premières pages de “Ma Cousine Rachel” aujourd’hui !

Pour Daphné du Maurier, j’aimerai vraiment trouver un biographie d’elle, ça vraiment l’air d’être un personnage hors du commun. Bienvenue ici !